Hervé Jaouen : écrivain, pas vraiment un métier...

Dans la chaîne du livre, l'auteur est bien sûr le premier à intervenir. Mais son activité est-elle pour autant un métier ? Réponse personnelle mais argumentée d'Hervé Jaouen. L'écrivain breton sait doublement aborder l'angle économique : il vit de sa littérature et... c'est un ancien banquier ! 

Écoutez les entretiens réalisés avec Hervé Jaouen sur Radio Évasion. 

Hervé Jaouen s'est fait connaître par le polar et le roman noir.
Ce Quimpérois est aujourd'hui un écrivain reconnu et sa littérature le fait vivre, ce qui reste assez exceptionnel dans cet univers. 

Une étude du ministère de la culture le confirme régulièrement, les droits d'auteur sont la plupart du temps un appoint. Les auteurs, qu'ils écrivent des livres techniques, des essais ou des romans, doivent puiser leurs ressources financières ailleurs. Une centaine gagnent assez d'argent pour vivre, une minorité passe le cap des 10000 € par an.

Un revenu soumis aux aléas de l'édition 

Hervé Jaouen a construit sa carrière patiemment, en restant plusieurs années banquier, à plein temps, puis à mi-temps, et avec une épouse infirmière pour sécuriser les revenus du foyer. 

Dès son troisième roman policier, il a découvert l'instabilité des rapports entre l'auteur et son éditeur. Un caprice d'éditeur a bien failli empêcher la parution de son roman Quai de la fosse, pourtant récompensé ensuite du grand prix de littérature policière. 

Même sans incident éditorial, les revenus d'un auteur peuvent fluctuer énormément d'une parution à l'autre, en fonction du succès, toujours incertain et soumis à de multiples facteurs parfois mystérieux... 

Quand un auteur est reconnu (après un succès de librairie), son éditeur peut lui consentir un à-valoir : une avance sur les droits qui permettra à l'auteur de disposer de temps pour écrire son prochain opus (et le dispensera de travailler ailleurs le cas échéant). Hervé Jaouen a pu bénéficier de ce crédit - véritable "pari" d'un éditeur sur son talent -  mais c'est loin d'être le cas de tous les auteurs. 

La tentation de l'écriture alimentaire

Mais même le véritable écrivain, celui qui dispose du soutien d'un éditeur professionnel, celui qui connait le succès comme Hervé Jaouen, peut-il échapper à la tentation de devenir un simple "producteur" de livres ?
Hervé Jaouen admet que, pour un auteur de romans policiers, écrire à la chaîne n'est pas forcément difficile. Cependant, il a toujours préféré se donner les moyens d'écrire en tout indépendance, pour garder son âme, même quand il a participé à des scénarios et adaptations de ses romans pour la télévision.

La télévision rapportait beaucoup aux auteurs quand il n'y avait que quelques chaînes hertziennes. Tout a changé avec le numérique et le nombre de chaînes. Aujourd'hui, concurrence et partage des moyens oblige, être scénariste pour la télévision n'est plus aussi lucratif. 

Pour Hervé Jaouen, se donner les moyens d'écrire a déjà consisté à épargner ses droits en période de vache grasse pour pouvoir tenir la distance : la création littéraire est un travail de longue durée, il faut pouvoir tenir un an, voire davantage, sans garantie de revenu au bout ! 

Une promotion inévitable mais sélective 

Dans un monde dominé par les médias, même l'auteur à succès peut difficilement éviter les émissions et interviews. Il en est qu'on ne refuse pas, comme le plateau télévisé culte de Bernard Pivot, Apostrophes auquel Hervé Jaouen a participé naguère.
Pour le reste, l'écrivain reconnu peut se permettre de choisir les émissions - littéraires ou autres - dans lesquelles il intervient, surtout quand cet écrivain vit loin de Paris. Un tournage de plateau télévisé c'est long et c'est donc au moins une journée qui n'est pas consacrée à l'écriture...

Hervé Jaouen fréquente également de temps à autre les salons du livre où il apprécie de rencontrer des lecteurs passionnés et pointus.