samedi 9 janvier 2016

Redonner vie aux centres bourgs des zones rurales






Les petites communes rurales s'étiolent ; dans de nombreux villages ou petites villes de campagne, les vitrines désertées, les maisons vides viennent conforter cette impression. Est-il possible de revitaliser les centres bourgs ? Et comment ?



Partons d'un cas d'école, sans doute assez représentatif de la situation nationale, avec la communauté de communes de l'Aulne Maritime (CCAM) en Finistère. Une intercommunalité de petite taille qui va d'ailleurs devoir fusionnner avec une autre. En attendant, les élus ont missionné Jonathan Gautier pour mener l'enquête pendant l'année 2015, en privilégiant l'angle des commerces des quatre bourgs de la collectivité.
En voici la typologie :

  • Deux communes dotées chacune de 2 commerces : Saint-Ségal (1025 habitants) et Rosnoën (940 hab.)
  • Deux communes de plus grande importance et au passé commerçant florissant : Pont-de-Buis-lès-Quimerc'h (3856 hab.) et Le Faou (1725 hab.)

Le petit commerce de centre bourg vivote 





Les pistes pour revitaliser les boutiques des communes rurales








L'enquête, menée via des entretiens directs et un questionnaire, a permis à Jonathan Gautier d'identifier des problèmes spécifiques à certaines communes : une topographie difficile pour Pont-de-Buis avec un relief accentué et un étalement du centre-ville sur 2 kilomètres, un territoire très étendu et un bourg excentré pour Rosnoën, la proximité et la concurrence d’un bourg plus grand et mieux achalandé pour Saint-Ségal. Seule Le Faou semble mieux tirer son épingle du jeu, du fait de son patrimoine architectural séduisant et de sa situation de passage obligé pour les Brestois qui vont en presqu'île de Crozon.


Cependant, les handicaps des petits commerces ruraux sont souvent les mêmes partout :

Atomisation des commerçants 

Les commerçants ont peu d'occasion d'échanger et s'associent rarement pour mener des actions communes de promotion, animation, communication...

Information économique défaillante 

Même les élus ignorent parfois l'identité des propriétaires de locaux commerciaux vides, ou bien ils ont des difficultés à les contacter pour connaître la situation de ces locaux, leurs projets éventuels, etc. Du coup, l'information échappe aussi aux repreneurs potentiels.

Image écornée 


Les boutiques qui restent longtemps vides donnent une impression d'abandon et ont un effet repoussoir sur les clients éventuels. La plupart étant des périurbains (qui travaillent en fait en ville) préfèrent effectuer leurs achats dans les villes (Quimper ou Brest essentiellement en ce qui concerne la CCAM).

Communication insuffisante 

L'absence d'animation supprime des occasions de communiquer sur les bonnes affaires ; en outre, beaucoup de petits commerçants font fi des nouveaux modes de consommation et font l'impasse sur un site internet. Or, un site internet avec affichage des prix permet aux consommateurs de comparer et de s'apercevoir que les produits ne sont pas plus chers dans les petits commerces qu'en grande surface.



Identifier les faiblesses du commerce de centre bourg en zone rurale, c'est déjà pouvoir proposer des solutions :

Animation

Les animations sont plébiscitées par les habitants de la CCAM qui ont répondu au questionnaire. Parmi elles, le marché hebdomadaire arrive en tête même s'il n'est pas toujours facile à mettre en place : il faut des producteurs ou des vendeurs disponibles. Les producteurs qui ne peuvent se libérer chaque semaine ont toutefois une autre solution pour vendre leurs produits en centre bourg : le magasin de producteur, à l'instar de celui qui existe à Goasven, dans la commune proche de Logonna-Daoulas.
Outre les animations régulières, les événements à caractère exceptionnel et festif peuvent doper momentanément les affaires et surtout redorer l'image du centre bourg : quinzaine commerciale, foire, festival médiéval, décoration des vitrines, etc.

Organisation

Créer des animations suppose de s'organiser et fédérer les commerçants. Certaines communes(plutôt des villes moyennes) se sont même dotées de managers de centre ville qui font l'interface entre commerçants mais aussi avec les élus, les autres acteurs économiques et les habitants. Dans une petite commune, l'existence d'une association de commerçants active est déjà un plus.
L'organisation permet aussi à l'information de mieux circuler et les élus comme les commerçants peuvent ainsi anticiper davantage le devenir des magasins, aider à les pérenniser.


Environnement favorable au commerce

Attirer les habitants vers le centre bourg implique d'abord d'assurer son accessibilité : les transports sont un point stratégique pour tous les habitants dépourvus de voiture (jeunes, personnes âgées) ; il faut donc si possible soutenir les transports collectifs, voire les créer (navette minibus, transport à la demande en taxi, covoiturage ou autostop organisé). Un bon accès au centre bourg passe aussi par des pistes cyclables et des trottoirs sécurisés.
L'attractivité du centre bourg est elle aussi cruciale. Elle passe par une valorisation du patrimoine s'il y en a, un embellissement des façades, un mobilier urbain esthétique et entretenu, un fleurissement ou une végétalisation des espaces urbains.
L'attractivité du centre bourg repose aussi sur la présence d'un minimum de services publics. Voilà pourquoi les élus des petites communes se battent tant pour conserver leur bureau de poste ou leur école.
Il est important aussi de proposer des équipements de loisir ou de culture. Voilà pourquoi les communes, même modestes, sont si nombreuses à construire gymnases, terrains de sport, médiathèques et salles de concert.
Enfin, sans ses habitants, le centre-bourg reste une coquille vide. Trop de logements vacants finissent de toute façon par être visibles : la multiplication des pancartes "à vendre" ou "à louer" voire la dégradation des bâtiments sont plutôt dissuasifs.


Le centre bourg au-delà des commerces 

Cette question de l'environnement propice à la fréquentation du centre bourg montre en fait que le seul dynamisme des commerçants ne saurait suffire à faire renaître le bourg.


La question de l'habitat


Au-delà de la prospérité de ses commerces, un centre bourg vivant est un centre habité. Le Conseil Départemental du Finistère en a bien conscience : il vient de sélectionner 34 communes du Finistère dans le cadre d’un Appel à Manifestation d’intérêts (AMI) « revitalisation de l’habitat en centre bourg » lancé en septembre 2014. Pont de Buis, Saint-Ségal et Rosnoën en font partie et vont recevoir des aides en ingénierie, pour mener des études sur la revitalisation de l’habitat dans leurs centres. À terme, un autre soutien financier pourrait intervenir pour l'acquisition de terrains ou de bâtiments, le financement de travaux.
La préoccupation du Département dépasse les villes et villages en eux-mêmes. L'objectif de cette opération est aussi de limiter l’étalement urbain sur l'ensemble du Finistère ; derrière, il y a d'autres enjeux d'aménagement du territoire : les transports, les infrastructures et les équipements, l'approvisionnement énergétique, la disponibilité des terres agricoles, l'esthétique paysagère, la pollution des sols et des eaux, etc.

Impliquer les citoyens


Un rapport sur l'aménagement des territoires ruraux et périurbains vient tout juste d'être remis à à Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité. Son intérêt est de donner la parole aux citoyens via un "lab des périurbains".

Alors si vous vous sentez concerné, contribuez !



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